2019 a été proclamée l’année internationale des langues dites « autochtones » par l’Assemblée Générale des Nations Unies, à travers sa résolution du 19 Décembre 2016 (A/RES/ 71/178).
Langues et stigmatisation
Les langues autochtones sont très souvent des langues minoritaires. Elles sont généralement parlées par des peuples marginalisés, et les préjugés sur ces peuples sont aussi habituellement transférés à leurs langues. L’idée que le sens commun a des langues autochtones, surtout celles minoritaires, est celle de langues inférieures, négativement catégorisées comme dialectes ou patois. Les dialectes et les patois seraient, de ce point de vue, des parlers indigènes et inférieurs, parlés dans des bleds et des tribus, et s’opposeraient aux vraies langues, qui elles sont parlées par des peuples jugés plus civilisés.
En passant, notons qu’en termes scientifiques, un dialecte n’est pas une langue inférieure, mais une variété d’une langue. On dira par exemple que le français canadien est un dialecte ou une variété de la langue française, et non un parler inférieur au français de France.
Dans le contexte africain, une question récurrente qui se pose lorsque l’on parle des langues africaines, est de savoir s’il s’agit de vraies langues ou de dialectes. Il y a au moins 2000 langues en Afrique, et il ne s’agit pas ici de parlers inférieurs, mais de vraies langues avec toutes les variations qu’on peut y observer. Les langues autochtones et minoritaires sont, dans le contexte africain, non seulement stigmatisées par les locuteurs des langues majoritaires, mais de nos jours, elles le sont aussi par leurs locuteurs eux-mêmes ou leurs descendants.
Les langues autochtones minoritaires sont le plus souvent indésirables et exclues de l’éducation scolaire des enfants, des programmes de développement, et de la vie publique des pays où elles sont parlées. Une des conséquences est qu’elles finissent par être perçues comme des parlers qui reflètent un mode de vie ancestral dépassé qu’il faut abandonner au nom d’un certain progrès.
L’année internationale des langues dites autochtones est une opportunité rêvée pour briser les mythes sur la nature supposée primitive des langues minoritaires dont beaucoup sont en danger de disparition.
Langues en danger de disparition dans le monde – Un désastre nous guette!
Dans un article devenu un classique dans le domaine des langues en danger de disparition, le linguiste Michael Kraus (1992) compare la menace de disparition des langues à celle de la biodiversité. Il montre qu’au total 10% des 4400 espèces de mammifères, l’espèce biologique la plus menacée, est en danger d’extinction. Cependant, 90% des 6000 à 7000 langues parlées dans le monde auront disparu, ou seront au seuil de l’extinction d’ici la fin du siècle prochain. Une catastrophe se profile à l’horizon. Il faut agir vite !
En moyenne une langue disparaît toutes les deux semaines.
Ceci n’est qu’une moyenne, mais elle est révélatrice. Cela veut dire que les langues sont plus menacées que l’espèce biologique la plus menacée d’extinction. Kraus ajoute que pendant que des organismes internationaux, à l’instar de la « UN’s International Union for the Conservation of Nature », nationaux comme la « US Fish and Wildlife Service » et privés tel Greenpeace, existent pour la protection de l’environnement, il est difficile de trouver des organismes équivalents dévoués à la protection du patrimoine linguistique mondial.
Pourquoi une année des langues autochtones ?
La menace de disparition des langues est une menace sur l’héritage humain. Elle est aussi une menace indirecte à la biodiversité. Toute langue constitue un réservoir de connaissances d’un peuple et une sorte de recueil de son histoire et de son expérience sur cette terre. Ces savoirs accumulés au cours des siècles, témoignent d’une part, de l’adaptation d’un peuple aux espaces qu’il occupe, mais aussi de l’apprivoisement de son environnement. Les langues véhiculent un ensemble de connaissances de leurs locuteurs dans des domaines telles la faune, la flore et les plantes médicinales, la cosmologie, mais aussi l’agriculture, l’élevage et la pêche nécessaires à la survie des peuples. Elles révèlent aussi des connaissances sur les stratégies pour préserver et exploiter les ressources disponibles dans leur environnement, tout en protégeant ce dernier. Les langues sont donc des outils indiqués pour aider à la protection de la biodiversité.
Ces connaissances sont aujourd’hui enregistrées, archivées et étudiées dans des langues telles que l’anglais, L’allemand, le chinois, le français etc., mais elles restent encore inconnues, marginalisées et dévalorisées chez la majorité des peuples, surtout chez les locuteurs des langues minoritaires. Pour beaucoup de langues en voie de disparition, ces connaissances disparaîtront sans que l’humanité n’ait le temps de découvrir, étudier, utiliser et préserver ces savoirs accumulés au cours de siècles d’existence.
Dans le contexte africain, on observe qu’une partie croissante des élites préfère transmettre des langues véhiculaires telles que le français à leurs enfants, tout en abandonnant leurs langues maternelles. Cette année devrait voir le début d’une prise de conscience sur la nécessité de protéger la diversité linguistique qui est une des richesses du continent, et lutter contre l’abandon et l’élimination des langues africaines par les africains eux‑mêmes.
Great write-up!
This is inspiring, especially to those of us working on less documented languages, which are endangered, but not considered so by others.
Let’s join hands and promote our indigenous languages!
Congrats once again!
Thanks a lot. We need to use this year to raise awareness on language issues in the world and Africa.
Don’t mention it!
I am with you for sure, for this laudable campaign.
Merci pour ce brillant article. Tu as vraiment éclairé ma lanterne et sans doute de milliers d’autres gens. C’est un combat à mener afin que les gens, surtout les africains délaissent leurs préjugés 👍
Language is power. We Africans lost and will continue to lose power if we do not revive our local languages. We’ve surrendered them on the altar of colonization, submission. Unless we regain lamguage vitality and awareness, we will still remain under the control of western powers
The least that could be done is to raise awareness and rebuild interest in our local languages.